Liaisons entre les documents

L’archive de Femmes présente une écriture complexe qu’il est difficile de retracer exactement dans ses différents états. Plusieurs phénomènes déconstruisent la linéarité apparemment simple des documents:
– les divisions à l’intérieur d’un même manuscrit (c’est le cas du dernier feuillet, isolable, de ms 1, ms 2 et tp 1) ;
– les renvois qui unissent ponctuellement certains passages du ms2 au ms 1 et au tp 1 ;
– les variantes internes au ms 1, ms 2, tp 1
Ces trois éléments ont conduit l’équipe POLAR à remettre en question l’ordre et la division des 4 documents dans leur présentation matérielle et à adopter une autre division textuelle (voir ci-dessous « Hypothèses sur les temps d’écriture et divisions des documents »).
L’unité stylistique qui prévaut dans l’oeuvre publiée, la forme segmentée de l’alinéa, se conserve au fil des quatre documents ce qui autorise l’établissement des liaisons et correspondances entre alinéas (voir ci-dessous les Tableaux de correspondance entre alinéas).
On traitera successivement : les divisions, les renvois, les variantes, les hypothèses sur les temps d’écriture, les tableaux de correspondance établis entre alinéas.

Divisions internes

Le ms 1 peut se décomposer en deux parties clairement distinctes:
– les 8 premiers feuillets se lisent en continu sauf interruptions ponctuelles tels que trait de démarcation (ms 1 pages 3 2 6) ou suppression d’alinéa (page I 4 alinéa « chat au pantalon rayé »)
– Le verso du feuillet 8 de ms 1 (I8v) porte une constellation de segments non reliés à ce qui précède.

Le ms 2 présente des facteurs de discontinuité quelque peu différents :
– les 8 premiers feuillets numérotés par l’auteur de 1 à 8 comporte des suppressions et adjonctions d’éléments textuels, et quelques indications de changement d’ordre des alinéas (l’auteur a numéroté 3 sg. en page 1 : « 1 », « 2 », « 3 » );
– plusieurs renvois dans les pages II 2, 5 et 8 à d’autres documents que le ms 2 (voir plus bas l’analyse des renvois).
– 1 feuillet final non numéroté.

Le tp 1 offre lui aussi une discontinuité entre ses premiers feuillets et le dernier qui présente 6 alinéas détachés de la séquence qui précède. Ces alinéas semblent, après analyse, avoir été écrits après le ms 1 et avant le ms 2 : cette hypothèse est corroborée par le renvoi inattendu dans le ms 2 à un document noté « I tapé » (voir l’analyse interprétative des Renvois du ms2). Claude Simon a peut-être conservé ce f° intermédiaire à cause de ce renvoi.

« Renvois » du ms 2 au ms 1 et tp 1

Le ms 2 présente aux pages II 2, 5 et 8 plusieurs renvois à d’autres documents par le biais de références numérotées, de parenthèses et de points de suspensions. Ces renvois ont deux types de destination :
* vers un document nommé « I tapé ».
* vers le manuscrit I.
Consulter l’analyse interprétative de ces renvois et le tableau récapitulatif.

Variantes d’un même alinéa

Outre ces renvois du ms 2 au ms 1, plusieurs alinéas font l’objet de reprises et variantes dans le ms 1, du ms 2 et du tp 1, créant des replis et discontinuités dans la lecture et bousculant la chronologie apparente des documents. Le tp 2 qui ne présente aucune variante interne ne sera pas abordé ici.

ms 1:
– l’alinéa 3 page I 1 (« chat aux aisselles poilues de chat » est une prémisse de l’alinéa 18 (page I 2) « chat aux aisselles » (voir Maeght, p. 11, alinéa 13).
– au dernier f°, les alinéas numérotés 68B et 68C sont 2 variantes élaborées à partir de l’alinéa 68A : l’évocation de la sorcière qui y apparaît peut être considérée comme une extension de l’alinéa 52 ? débutant par la phrase « vieille qui coupait la langue». On retrouve l’évocation de la vieille dans le tp 1 à l’alinéa 51, mais le tp 2 restitue la séquence complète en associant à l’alinéa 52 l’alinéa 53 qui reprend les alinéas 68 A à B.

ms 2:
– l’alinéa 1 (« D’ici la dune dessinait deux bosses molles / entre lesquelles dans au fond le la courbe concave qui les relie / apparait / coupé par la ligne droite de l’horizon d’un »[v]) apparaît comme une version antérieure et inachevée de l’alinéa 5 situé en page 2 (« dune qui dessinait deux bosses molles […] »).
– le verso du f° II8 comporte 3 alinéas débutant par « Chaque soir ahannant » (38A, 38B, 38C) auquel répond le recto du f° suivant intitulé « Correction » (38D). Ce passage sur lequel Claude Simon « ahanne » littéralement mais qui finit symboliquement par « un chant de triomphe » a donné lieu à 8 versions dont 5 dans le ms 2 où « diverses couches de corrections se superposent » (Neumann, 1992: 92) et à une série de « griffonnages » (ms2, « II 8 » verso).
Les 4 alinéas débutant par « Chaque soir ahannant » dans les derniers f° du ms 2 apparaissent comme la réécriture au propre – comme l’indique le sous-titre intitulé « Correction » – de la « page 4 » non du ms 2 (alinéa 15) mais du tp 1 (alinéa 14). Le ms 2 offre donc, en ses dernières pages, des alinéas rédigés après le tp 1 selon l’ordre suivant :

Ms 1 Ms 2 Tp 1 Ms 2 (dernier feuillet)
Tp 2
p. 1-2 p. 3-4 p. 4 p. 8 verso et dernier feuillet recto ….
alinéa 9 alinéa 15 alinéa 14 alinéa 38A, alinéa 38B, alinéa 38C, alinéa 38D alinéa 15
V°1 V°2 V°3 V°4, V°5, V°6, V°7 V°8

 

tp 1: Les 6 alinéas du dernier feuillet du tp 1 présentent un problème d’analyse. Il est délicat de retrouver leur place dans la chaîne d’écriture, même s’ils constituent une version « tapée » d’une partie du ms 1 – de les interpréter un à un comme des variantes d’alinéas du ms 1. Seul le segment B constitue la réécriture visible de l’alinéa 17 du ms 1 « près de l’abattoir corne de bouf ou plutot cet os qui est » (qui complète la description des « cercles de tonneau ») mais il n’apparaît plus dans les versions (ms 2, tp 1 et tp 2).

Hypothèses sur les temps d’écriture et divisions des documents

La répartition en 4 documents (2 manuscrits et 2 tapuscrits) suggérait une lecture séquentielle en 4 documents successifs finalement démentie à l’analyse. Un ensemble d’éléments tend à isoler le dernier feuillet de ms 1, ms 2 et tp 1, ces « derniers feuillets » étant distincts de la chaîne de rédaction qui précède et probablement différents dans le temps de l’écriture. S’il n’est pas possible de préciser le moment d’écriture du ms 1, on peut poser les hypothèses suivantes:

ms 2 : les pages II-8 verso et dernier f° recto non numérotées du ms 2 sont matériellement liés au ms 2 mais ils ont été écrits après le tp 1.
tp 1 : le dernier feuillet peut être considéré comme un document intermédiaire écrit après le ms 1 (d’où le renvoi au ms 1, noté « I tapé » par Claude Simon) ou comme une partie « tapée » du ms 1 correspondant à 5 alinéas dont 2 seront repris dans le tp 2. Il semble avoir été écrit avant le tp 1.

Tableau récapitulatif des temps d’écriture des 4 documents et de leurs divisions

t1 ms 1 : page 1 à 8
t+2 ? ms 1 : page 9 à 9 verso
t+3 tp 1 : page 14 (non numérotée dernier feuillet), mise au propre de 5 alinéas du ms 1
t+4 ms 2 : de la page 1 à 8
t+5 tp 1 : pages 1 à 13
t+6 ms 2 : page 9 verso et page 10 recto
t+7 tp 2

 

On comprend la nécessité qui s’est imposée à l’équipe POLAR de diviser les documents édités en 7 textes, autrement que ne le suggérait la présentation matérielle en 4 documents unifiés.

Ms 1 texte 1 Ms 1 texte 2 Ms 2 texte 1 Ms 2 texte 2 Tp 1 texte 1 Tp 1 texte 2 Tp2 texte 1

C’est cette division que suit la présente édition électronique, et qui détermine la présentation nouvellement adoptée des tableaux de correspondance entre alinéas.

Tableaux de correspondance entre alinéas

Document produit par Mélina Balcazar Moreno – Version du 04/11/2016 :

 

Hélène Campaignolle et Mélina Balcazar- Moreno
Pour l'équipe POLAR.Octobre 2017.

[iii] Renvoi page spécifique document auteur Mélina « Alinéas laissés de côté » ?

 

Les composants des manuscrits

Zones

La page des manuscrits de Femmes est globalement divisée en 4 zones (colonne centrale, marges haute, gauche et basse) avec une dominance de la colonne centrale et de la marge gauche et un emploi plus ponctuel de la marge haute et de la marge basse.

Numérotation

Claude Simon emploie une numérotation
– régulière pour les pages des manuscrits, à l’exception de certains feuillets situés en dernière position ;
– partielle pour désigner les documents de l’archive : ms 1 et ms 2 sont notés « I » et « II » ; ainsi « I 1 » renvoie-t-il au ms 1, page 1.
– occasionnelle pour les alinéas : par exemple
* au ms 2, à la page 1, les alinéas 4 à 7 sont renumérotés de 1 à 4;
* au tp 1, les feuillets 1 et 2 comportent aussi des numéros (6, 7, 5, 1, 2 3, 4, 8) qui indiquent un réagencement de la séquence (voir sur ce point la section « liaisons entre les documents ».

Composants marginaux

Elle présente en outre trois types de composants : éléments textuels qu’on a qualifiés de « mots flottants », des dessins et des composants hybrides « diagrammatiques » qui ont en général une fonction de métamarques (croix, lignes, etc.). Un premier inventaire classé des composants marginaux avait été proposé par l’équipe POLAR en 2014 dans l’étude publiée dans Claude Simon. Les Vies de l’archive. Les classements ont été affinés et précisés depuis.

Dessins
Tableau-dessins-ms1
Tableau-dessins-ms2

Mots flottants
ms1-mots-flottants
ms2-mots-flottants
tp1-mots-flottants

Remarque : il n’y a pas de « mots flottants » dans la marge du tp 2.

Métamarques
Définition adoptée par l’équipe : « On considère comme une métamarque tout signe graphique (croix, ligne droite ou courbe, flèche…) ou expression textuelle (« tapé »…) qui ne fait pas partie du texte (donc ne concerne pas les traits à fonction microtextuelle de suppression ou d’addition ou de soulignement sur les mots) constituant une instruction probablement a posteriori lors d’un travail global de relecture donnée par C. Simon pour intervenir sur le texte et/ou pour le lire. »
Tableau global des Métamarques : 2017-11-2-tableau-metamarques.

Remarque : les indications chiffrées par Claude Simon quand elles concernent le déplacement ou les mouvements du texte sont encodées en métamarques. Ce n’est pas le cas des numéros de pages.

Hélène Campaignolle
pour l’équipe POLAR

Transcription des manuscrits

Les manuscrits édités

L’archive des manuscrits de Femmes déposée à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet se présente sous la forme d’un mince dossier sous enveloppe cartonnée de couleur orange sur lequel le titre Femmes est tracé au feutre rouge en capitales.

Dans la classification adoptée par la BLJD, les 4 documents sont catalogués en deux cotes et rangés sous deux chemises : la chemise indiquée et cotée « Manuscrit SMN Ms 7 (1) » rassemble trois avant-textes : deux manuscrits, et un tapuscrit. La chemise indiquée et cotée « Dactylographie SMN Ms 7(2) » rassemble un tapuscrit de Femmes dans une version très proche de la version éditée chez Maeght. Dans cette édition électronique qui suit, on adoptera les descriptions suivantes:

[ms1] pour le premier manuscrit rangé sous la cote SMN Ms 7 (1)
[ms2] pour le second manuscrit rangé sous la cote SMN Ms 7 (1)
[tp1] pour le premier tapuscrit rangé sous la cote SMN Ms 7 (1)
[tp2] pour le second tapuscrit rangé sous la cote SMN Ms 7 (2)

Cette désignation abrégée (ms1, ms2, tp1, tp2) restitue sous la cotation BLJD la généalogie des versions selon un ordre conforme à celui proposé par Claude Simon, indiqué dans les numérotations adoptées par l’auteur.

Pour l’analyse détaillée des quatre documents de l’archive, on renvoie à l’étude publiée par M. Balcazar et H. Campaignolle dans Les Vies de l’archive: « Un manuscrit: des-scriptions ».

La transcription

La transcription des manuscrits a été réalisée au cours de l’année 2012-2013. Le tapuscrit 2 a été transcrit puis encodé avec l’aide d’E. Borgeaud (Ecole des Chartes) avec le logiciel Oxygen en 2012. Les trois autres avant-textes (ms 1, ms 2, tp 1) ont d’abord été transcrits par Melina Balcazar en collaboration avec l’équipe puis transposés en xml via un script réalisé par Florence Clavaud (2012-2013). réalisée au cours de l’année 2012.

La transcription des documents a rencontré deux obstacles principaux: l’écriture simonienne des avant-textes est difficilement lisible pour les lecteurs non avertis (contrairement à l’écriture manuscrite appliquée de la préface d’Orion aveugle, destinée à la publication) ; les mouvements d’écriture sont décadrés et couvrent plusieurs zones de la page, rompant la linéarité du texte[1].

Certains paramètres de l’écriture ont conduit à poser la question de la notation (totale ou partielle) en TEI des différences de :
– ductus /gestuelle d’écriture d’une page à l’autre (le ms2 écrit d’une main rapide sur 8 f°, d’une main plus appliquée pour les f° II8 verso et dernier f° recto) ;
– graphies sur un même document (graphies manuelles en marge des tp, graphies manuscrites imitant la dactylographie sur tp1) ;
– « mains » écrivantes (le titre « Miró » sur ms1 et 2 et la lettre « M » sur tp1 écrits différemment) ;
– « couleurs » des encres ou crayons (rouge et noir pour ms1 et ms2, encre noire et crayon gris pour le tp1) ;
– « moments » ou « campagnes » (le crayon rouge intervient sur relecture du document) ;
– orthographe variable selon les documents (bouffees / bouffées) ;
– abréviations employées (fem pour femmes).
Ces questions doivent être tranchées lors de l’édition définitive en TEI, mais seuls les deux derniers paramètres ont pour l’instant été encodés.

La transcription a dans l’ensemble tenté de suivre fidèlement les processus d’écriture (ajouts, ratures, substitutions, suppressions, déplacements), ainsi que la position relative des mots les uns par rapport aux autres et la disposition du texte sur la page (interlignes, blancs).

Un premier encodage à partir de la fonctionnalité « styles » du logiciel Word a été effectué : un code couleur a ainsi été utilisé pour les zones de texte (corps du texte, marges gauche et droite, haut et bas de page) et un code typographique (polices – italique, gras, gras italique – combinant des attributs – souligné, barré, couleur). Il s’agit donc d’une transcription linéarisée codée visant une transcription diplomatique par l’intermédiaire de son encodage en TEI.

[1] Voir l’étude de L. Dallenbäch sur Triptyque signalée en Bibliographie.

Extrait revu et complété pour la présente édition numérique  de l'article publié par Melina Balcazar et Hélène Campaignolle dans les actes du colloque Claude Simon. Les Vies de l'archive.